Le pied sur l'angle de la course

Publié le par Isabelle à Paris

Je vous ai parlé l'autre jour de la routine.  Mon article portait sur le fait que j'aime bien avoir mes habitudes quotidiennes, connaître mon environnement, savoir un peu où je vais chaque jour, autant géographiquement que dans ma vie en général.  En fait, j'ai toujours eu des plans jusqu'à ce que j'atteigne la mi-vingtaine.  Avant ça, j'avais une liste de ce que je voulais à partir d'un âge précis, comme, par exemple, combien je devais avoir en REER, ce que je voulais comme maison, où je devais habiter, à quel âge je voulais avoir mes enfants, quelle voiture neuve j'aurais achetée.  J'ai même prévu les rénovations de ma future maison dans mon budget hypothétique, c'est peu dire !  Ma vie était listée, budgetée, organisée en étapes.  À l'aube de ma trentaine, je n'ai atteint aucun des objectifs que je m'étais fixée lorsque j'étais dans ma vingtaine.  Rien.  Ni maison (je vis même chez mes parents), peu de REER, pas de voiture neuve, aucun enfant. 

 

Je vous ai parlé aussi, dans l'article qui précède, que nous avons tous une force étrange en nous, intense et indomptable.  Cette force, je ne l'ai jamais autant réduite au silence que lorsque j'avais vingt ans.  À l'époque, je croyais qu'on réussissait sa vie en étant comme tout le monde, que l'instabilité était malsaine et que la vie devait avoir le moins de distorsion possible.

 

Pourquoi pensais-je comme ça ? 

Je crois que j'avais énormément de difficulté à trouver ma place dans le monde.  En avais-je seulement une ?  Je ne le pensais pas.  Je n'avais pas de qualité fabuleuse, je n'étais ni une athlète de haut niveau, ni une talentueuse peintre à surveiller, encore moins une musicienne en devenir.  Je n'avais même pas de notes extraordinaires à l'université, je n'avais pas d'idées géniales sur la littérature, ni de talent particulier pour l'écriture.  J'étais bonne, mais je n'étais pas la meilleure.  Je suis ordinaire, me suis-je alors dite.  Si je suis ordinaire, je vais me fondre dans le moule et faire ce qu'on me dit de faire : planifier, s'organiser, se sécuriser et s'aspetiser.

 

Faites taire cette bête au fond de votre ventre trop longtemps et elle ressort en rugissant.  On ne peut pas organiser l'imprévisible : la maladie, la mort, les accidents, les rencontres, les divorces, les dépressions, le gain ou la perte d'argent, le chômage, les bébés non planifiés ou qui tardent à venir, l'amour, les amis, les ruptures, notre passé qui revient parfois nous hanter, les voyages qui nous changent pour toujours.  Selon moi, la seule chose qu'on peut faire, c'est d'accepter le changement et l'accueillir.  Si on va à l'encontre du changement, c'est à ce moment qu'on devient malheureux.

 

Beaucoup d'événements se sont produits depuis la mi-vingtaine.  J'ai plus et mieux vécu, j'ai traversé des épreuves comme tout le monde, j'ai eu des moments plus grands que nature, j'ai croisé des gens qui sont demeurés dans ma vie une semaine, un week-end, un an.  J'ai même redécouvert certaines personnes que je fréquentais déjà !  Le bonheur, ça ne se fabrique pas, c'est un travail perpétuel. 

 

Ceci dit, je pense avoir trouvé ma place dans le monde.  Aujourd'hui, si près de ce grand voyage que je sens initiatique, je pense que j'avance toujours dans la bonne direction.  Je suis reconnaissante d'avoir parcouru ce chemin, même si je l'ai un peu parcouru en clopinant.  Maintenant, j'ai le dos bien droit, les yeux au bout de l'horizon, le pied déjà sur l'angle de ma course.    

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